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AE 349-I/II no 12 , 13 , 35 , 41, 61 , 63 , 69

 

PV (no 12, AE 349-I) du 18 octobre 1904 à Boma;

Témoin Stanislas Lefranc, 46 ans, Substitut faisant fonction de Procureur d'Etat à Boma

J'ai été substitut du Procureur d'Etat dans le district de l'Equateur, à la résidence de Coquilhatville, et également dans le district du Stanley Pool. Voici les observations que mon expérience me suggère au sujet du régime en vigueur dans ces districts. Tout d'abord, je dois dire qu'une source de fréquents abus est la jeunesse de beaucoup de chefs de poste. Des agents fraîchement débarqués en Afrique sont immédiatement chargés de ces fonctions qui réclament beaucoup d'expérience, de tact et de modération.

Investis de pouvoir très étendus, ces jeunes gens, dans un grand nombre de cas, sont tentés d'en abuser, et beaucoup d'entre eux se conduisent en véritables roitelets, instaurant dans leur rayon d'action un régime de bon plaisir. Il faut dire que leurs excès sont tout au moins tolérés par l'administration.

Presque aucun contrôle n'est exercé sur la manière arbitraire dont les chefs de poste appliquent en général les règlements de discpline. L'emprisonnement et la chicotte sont employés sans mesure contre les travailleurs et les soldats, et M. le Gouverneur Fuchs a pu dire justement dans une circulaire de 1898, que chaque inspection des postes a révélé… Bien que les règlements énumèrent tout une série de peines, dont la chicotte, qui vient en dernière ligne, est la plus grave et devrait donc être la plus rare, il est de fait que ce châtiment corporel est la pénalité favorite des chefs de poste et qu'elle remplace, même dans les cas de légères pécadilles, les punitions plus douces prévues par le règlement disciplinaire.

Il y a plus : le maximum règlementaire des coups de chicottes est de cinquante, et encore ne peut-on administrer plus de vingt-cinq coups à un même délinquant en un seul jour. Or ce chiffre est souvent arbitrairement augmenté* (*On a pu le constater plusieurs fois dans les dossiers et par l'audition de témoins appelés à déposer dans les procès à charge d'Européens). On a vu jusqu'à infliger cent, cent cinquante, deux cents coups de chicotte, ce qui rend ce châtiment absolument meurtrier.

Ces abus se commettent non seulement dans les régions administrées directement par l'Etat, mais encore, et avec une fréquence peut-être plus grande, dans le domaine des diverses sociétés concessionnaires, bien que les agents de ces sociétés ne possèdent nullement le droit d'infliger aux travailleurs des châtiments corporels. Le moyen de coercition connu sous le nom de contrainte par corps et de système des otages donne également lieu à de répréhensibles excès. On recommande comme spécialement efficace, la détention des femmes. J'ai vu, même dans les postes de l'Etat, des femmes prisonnières soumises aux travaux les plus durs.

Les otages, en effet, sont traités en véritable prisonniers; souvent on les met à la chaîne, et toute tentative d'évasion est infailliblement punie de mort; car les gardiens des détenus reçoivent la consigne de tirer sur les fuyards. (On sait que les factoreries des diverses sociétés disposent chacune d'une vingtaine de soldats-travailleurs armés d'Albinis). Dans certains cas, des gardiens ont été punis de chicotte pour avoir enfreint leur meurtrière consigne. Dans cet ordre d'idée, je dois relever la déplorable facilité avec laquelle on fait usage des armes à feu. On m'a dit qu'il était d' usage que des blancs pénétrant dans un village paisible tirassent des coups de revolver pour « s'annoncer » de la sorte au chef.

Les indigènes ne peuvent se rendre de leur village dans un autre sans être munis d'un laisser-passer du chef de la factorerie. Pour le dire en passant, ceci est un corollaire du principe partout admis, qui fixe irrévocablement les nois sur la terre qui les a vus naître. On veut ainsi éviter que le village s'appauvrisse en hommes et ne puisse plus fournir le chiffre de prestations qui leur a été imposé. J'ai été plus d'une fois choqué par ce système qui rappelle fâcheusement le principe médiéval du « serf attaché à la glèbe [terre cultivée] » ; j'ai d'abord tenté d'intervenir, autorisant notamment des femmes à quitter leur village pour épouser des indigènes habitant d'autres villages; mais cette façon d'agir me mit en conflit à Coquilhaville, avec le commissaire du district de l'Equateur. C'était, je crois, vers août 1902. Nous en référâmes au gouvernement; et celui-ci nous donna à entendre qu'il valait mieux ne point toucher à ce système tacitement admis.

La force publique a été maintes fois employée à ramener chez eux les « fugitifs ». Lorsque les indigènes passent d'un district dans un autre, cette émigration donne régulièrement lieu à des « palabres » entre les autorités des deux circonscriptions administratives. Il arrivait aussi que les noirs se réfugiaient sur la rive française et refusaient de rentrer sur le territoire de l'Etat. Il est indéniable que dans les régions productrices du caoutchouc, l'objectif unique des Sociétés est la récolte de ce produit. Un mot du directeur B., de la S.C.A, exprime ce fait d'une manière frappante : « Tout ce que je demande- disait-il dans une lettre qui figure au dossier Caudron- c'est qu'on fait (sic) du caoutchouc, le plus possible, et le plus vite possible ».

Malheureusement, les fonctionnaires de l'Etat ne sont trop souvent que des instruments dans les mains des Compagnies; l'influence et les forces de l'Etat servent alors presque uniquement au but commercial poursuivi par l'ABIR ou la S.C.A. Les commissaires de district que j'ai connu étaient généralement « au mieux » avec les directeurs de Sociétés. M.M. Sarrazyn, Du Breucq et de Bauw, à en croire la rumeur publique, touchaient même de fortes primes des sociétés concessionnaires. On m'a rapporté que le commissaire Du Breucq ne faisait point mystère de l'appui financier que lui prêtait l'ABIR. M. De Bauw, qui avait entretenu de mauvais rapports avec l'avant-dernier directeur de cette puissante société, changea d'attitude lorsque M. Longtain arriva en Afrique. Depuis lors, il suivit l'exemple de ces prédécesseurs, mettant à chaque instant les soldats du poste de Basankusu à la disposition de la Société, ordonnant des expéditions militaires contre les villages qui ne donnaient point satisfaction à l'ABIR au point de vue de la récolte du caoutchouc.

L'Etat et la compagnie marchaient absolument la main dans la main; l'acquittement de l'agent Lejeune poursuivi pour sévices envers les indigènes, fut généralement interprété comme un gage d'impunité. L'influence de M. Longtain était considérée comme toute-puissante, et c'était une croyance répandue dans la concession que, lui étant directeur, les agents placés sous ses ordres auraient toujours pleine liberté d'action. Sur quelle base juridique repose le droit qu'ont les Sociétés de percevoir les impôts? C'est difficile à dire, toujours est-il que ce droit n'est pas contesté. En tout cas, ni les agents de sociétés ni les chefs de poste de l'Etat, ne croient bornée par aucune limite leur faculté de prélever des prestations de toute nature. Il paient des prix souvent dérisoires pour les vivres qu'ils exigent.

Bien plus, j'ai vu un chef de poste emprisonner des pêcheurs qui ne lui avaient pas apporté suffisamment de poisson; et ce personnage parut fort étonné lorsque je lui fis observer qu'il avait outrepassé ses droits. Les impositions, qu'on appellerait plus justement du nom de « tributs » sont souvent disproportionnées, véritablement écrasantes pour les indigènes. Ceux-ci seraient d'autant plus en droit de se plaindre qu'en échange des prestations fournies par eux à l'Etat et aux Compagnies, on a fait relativement peu de chose pour leur bien-être. L'insouciance des Compagnies à cet égard est totale. Je ne pense même pas que ces dernières aient pris des mesures pour faire disparaître les coutumes anthropophagiques.

L'Etat devrait à mon sens se préoccuper d'avantage de la situation sanitaire et de l'habitation des indigènes, car il est incontestable que les épidémies, et notamment la maladie du sommeil, dont les effets dévastateurs ont été terribles, n'aient été grandement favorisées par les déplorables conditions hygiéniques dans lesquelles vivent les noirs. Le rôle de la magistrature, -à laquelle incombent la recherche et la répression des abus, est souvent rendue difficile par la tolérance de l'administration à l'égard de certains de ces abus, quand la marche de la justice n'est pas entravée par le mauvais vouloir des fonctionnaires. Ainsi, en face des expéditions militaires dites « punitives », entreprises par ces forces de l'Etat et commandées par ses officiers, le Parquet est impuissant. Il peut tout au plus contrôler les opérations de ce genre que dirigent les Compagnies.

Souvent c'est le hasard seul qui fait éclater le scandale, comme dans l'affaire Matthÿs, amené au jour par les dénonciations de Moray. Les substituts savent qu'en s'occupant de semblables affaires ils s'exposent à des échecs qui diminuent leur prestige. Personnellement, j'en ai fait l'expérience lors de l'instruction que je dirigeai à charge des agents M. Ansiaux et K. (aff. de Nsele, avril 1902). L'affaire fut chargée sans suite. De même, lorsque des indigènes viennent se plaindre au juge de punitions arbitraires, ils n'y gagnent souvent que d'être « chicottés » une fois de plus. Le prétexte généralement choisi est que les plaignants, en allant exposer leurs doléances au magistrat ont indûment quitté le travail. Les substituts dépendaient naguère encore des commissaires de district, au moins matériellement, puisqu'ils étaient ravitaillés par l'intermédiaire de ceux-ci.

J'ajouterai quelques mots sur les enfants que l'on envoie dans les missions ou les colonies scolaires. Le recrutement en est fait par les commissaires de district, et le système est en vigueur depuis environ deux ans. Il est évidemment excessif que ces jeunes gens puissent être maintenus sous la tutelle de l'Etat jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. L'institution est surtout profitable à l'Etat : c'est surtout une pépinière de travailleurs et de soldats.

J'exprimerai, en terminant, un voeu au sujet du mariage entre indigènes. Puisque les mariages selon les principes de notre Code Civil a été introduit au Congo, il faudrait qu'il eût une sanction dans la punition de l'adultère. Le juge qui a entretenu les époux de l'inviolabilité du contrat matrimonial et qui se trouve ensuite sans force pour le faire respecter, est placé dans une situation ridicule vis à vis du conjoint adultère et impuni, et du conjoint qui invoque en vain la protection de la loi.

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PV (no13, AE 349-I) du 19 octobre 1904 à Boma

Témoin Eugène Croonenberghs, 32 ans, curé à Boma

Il y a actuellement à Boma, 7 à 8 000 chrétiens. Notre influence a été nulle sur ces villages indigènes. Les soldats indigènes sont contents de leur sort. Il en est de même des travailleurs. Cependant je pense que s'ils étaient libres , la moitié d'entre eux partiraient. Ils devraient seulement être tenus plus sévèrement, parce que je constate qu'ils manquent de respect envers le blanc.

Je pense aussi qu'il y aurait lieu d'améliorer les maisons ouvrières; le froid y pénètre, de la des maladies de poitrine et des dysenteries. L'hôpital des noirs est bien tenu, mais on devrait y introduire des soeurs. Pour cela, il suffirait de construire un couvent non loin de l'hôpital. Ce serait la maison mère; des soeurs pourraient soigner des malades à l'hôpital, d'autres donner l'instruction aux enfants, d'autres enfin s'occuperaient de la Croix-Rouge.

Les blancs sont bons pour les noirs à Boma. Les indigènes ont une tendance à se rendre trop rapidement chez le juge pour des vétilles ce qui détruit l'autorité du blanc. Par indigènes, j'entends ne parler ici que des travailleurs de l'Etat. Indépendamment de la colonie scolaire, il n'y a pas d'école de l'Etat, à Boma. Les soeurs en ont une, où une vingtaine d'enfants surtout d'enfants en bas âges, viennent chaque jour. Les soeurs ont aussi une vingtaine de pensionnaires.

En ce qui concerne les moeurs des indigènes, on doit regretter que, chez eux, les naissances sont si peu nombreuses. Je parle toujours des travailleurs de l'Etat. Les femmes ont l'habitude de se faire avorter au troisième mois de leur grossesse. Elles commettent l'adultère pour se procurer des ressources. Ce mal serait évité, je crois, si les travailleurs de l'Etat, qui sont mariés, recevaient une ration suffisante, mais on les met sur la même ligne que les célibataires. On devrait se montrer plus difficile en ce qui concerne l'admission des divorces, et la loi devrait punir l'adultère. On ne doit pas favoriser le mariage civils des indigènes qui ne sont pas chrétiens; car ils ne connaissent ni leurs droits ni leurs obigations et ne sont pas du tout préparés. Il en est tout autrement de ceux qui sont convertis au catholicisme. Ceux-là ont reçu la préparation nécessaire.

J'ai constaté dernièrement que des travailleurs de l'Etat et des boys s'adonnaient aux boissons alcooliques. Ils boivent de l'alcool de …et s'enivrent dès dix heures du matin, le dimanche. C'est un mal auquel il faudrait s'empresser de porter remède.

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PV(no 41, AE 349-I) le 7 novembre 1904 à Mopolenge

Témoin M'Bolo, indigène, Chef du village de Mopolenge

J'ai appris que des grands juges sont venus d'Europe pour recevoir les plaintes des indigènes, et je viens saluer les grands juges.

Nous [les membres de la commission] demandons au témoin s'il a des plaintes à formuler?

Il répond : Je n'ai pas à me plaindre. Si jadis le blanc du poste était mauvais, maintenant il est bon. Nous venons vendre des chickwangues quand un steamer s'arrête à Mopolenge. Autrefois, nous étions forcés de venir, et on nous amarrait [enchaînait] lorsque nous négligions d'apporter les chickwangues [pains de manioc];

maintenant on nous avertit de l'arrivée du steamer, et c'est librement que nous venons à la rive vendre des chickwangues, qui nous sont payées au prix d'un mitako [fil de cuivre] chacun. Ce prix est suffisant. Mon village doit entretenir la voie télégraphique sur une distance de huit poteaux. Je reçois pour ce travail une seule pièce d'étoffe, ce qui n'est pas suffisant. C'est la seule chose dont je pourrais me plaindre.

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PV (no 35, AE 349-I) le 1er novembre 1904 au poste de bois dit « la … »

Maoi, indigène originaire du Lomami, travailleur de l'Etat

Je me suis engagé , comme travailleur, volontairement. C'est mon père qui m'a dit de m'engager comme travailleur au service du blanc. J'ai comparu devant le substitut à Léopoldville; j'aurais voulu m'engager pour moins de cinq ans, mais le juge m'a dit que je devais m'engager pour cinq ans et j'ai accepté. Je reçois chaque semaine dix mitakos qui me sont donnés pour des achates de vivre, mais on me donne aussi des chickwangues qui viennent de Léopoldville. Pour le surplus mon salaire m'est payé en étoffes.

Nous [les membres de la Commission] constatons que le livret du témoin est visé par le substitut…, que l'engagement est conclu pour un terme de cinq années, et que le salaire est fixé à 5 fr. Et 1f.25 de réserve par mois.

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PV (no 61, AE 349-II) du 11 novembre 1904 à Mopolenge

Témoin Leke, originaire du village de Bokolo, demeurant à Bolobo

Du temps de Malu Malu, il y a eu deux palabres dans mon village. Dans la première, un soldat, nommé B. a tué trois indigènes les nommés B., Ikapolo, et Bundunga, uniquement parce que parmi les six paniers de caoutchouc qu'ils avaient apportés il y en avait un qui n'était pas suffisamment rempli.

Dans la seconde, le même soldat a tué deux indigènes nommés Lokondi et S., parce qu'ils s'étaient absentés pour aller chercher des vivres, car le soldat ne permettait pas que l'on se procurait des vivres sans passer par ses mains. Malu Malu n'était pas présent, mais il devait nécessairement savoir ce que faisaient ses hommes. Je n'ai jamais vu Malu Malu tuer quelqu'un.

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PV (no 63, AE 349-II) du 12 novembre 1904 à Mopolenge

Témoin Bokelombe, originaire de Bokapi (près de Iongo)

Je n'ai jamais vu Malu Malu dans son administration, mon village de Bokapi devait fournir au poste deux paniers de caoutchoucs tous les douze jours. Nous étions 20 travailleurs. Les indigènes de N'Iongo passaient par notre village pour se rendre au marché, et généralement nous y allions ensemble. Un jour ceux de N'Iongo étaient allés avec nous, porter leur caoutchouc, et nous avions remarqué la mauvaise humeur du blanc parce qu'un de nos paniers n'était qu'à moitié rempli.

Nous eûmes aussitôt des craintes, et les indigènes de N'Iongo furent d'avis qu'il était prudent de cacher les femmes de notre village. Pendant qu'elles étaient dans la brousse et que les hommes causaient ensemble, assis près de leurs chimbeks [maison], trois soldats firent irruption et tirèrent des coups de fusil sur ceux qui causaient paisiblement. Cinq de ceux-ci furent tués. Les survivants prirent la fuite.

Quand ils rentrèrent au village, et j'étais parmi eux, on put voir les cinq cadavres que nous enterrâmes. À la suite de cette palabre, les habitants se dispersèrent et le village lui-même disparut. Moi je me sauvai à N'Iongo, puis à M'pe, ensuite à Iboma et finalement je me réfugiai à Kituba chez les Batinde. Comme cet événement se passait à la soirée, je n'ai pas vu les soldats qui ont tiré; quand tout était fini, j'ai appris leurs noms par l'un d'eux nommé Munyakambi. Les deux autres étaient N'Sondo et Bolokoko.

Je puis vous dire les noms des cinq indigènes tués; c'était B., M'., Yosonge, N'., et Bojoji. Le même Munyakambi m'a appris que l'on avait fait cette guerre parce que la quantité de caoutchouc apporté était insuffisante. C'est tout ce que j'ai à dire.

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PV (no 69, AE 349-II) du 15 novembre 1904 à Lukobla (mission)

Témoin M'Pundu, originaire de M.

Du temps de Makuku et de Mr De Becker je devais, comme chef de mon village, fournir 200 chickwangues par semaine. Un jour qu'il en manquait trois je fus arrêté et détenu pendant six jours, et je ne fus relâché que lorsque les trois chickwangues qui manquaient furent apportées. Une autre fois le blanc m'ordonna d'apporter du poisson; j'ai refusé en disant que je ne devais apporter que des chickwangues; je fus enchaîné pendant sept jours.

Une autre fois le blanc me demanda de lui fournir deux travailleurs. Je lui remis deux hommes qui, parce qu'ils se trouvaient maltraités, prirent la fuite. Le blanc voulut me forcer à lui en donner deux autres, et comme je lui répondais que je n'étais pas en faute, je fus arrêté et détenu pendant huit jours. Je parvins à donner au blanc les deux nouveaux travailleurs qu'il réclamait. Ils prirent encore la fuite. Je refusai de les remplacer et cette fois le blanc ne me fit pas enchaîner mais je dus fournir cinq pirogues d'herbes pour servir de toitures.

Un jour les travailleurs qui conduisaient la pirogue se disputèrent; la pirogue se renversaet l'un des travailleurs fut noyé. Je demandai au blanc de m'indemniser ; pour toute réponse il exigea que je lui fournisse encore deux hommes en me menaçant de la chaîne. La-dessus je pris la fuite et me réfugiai au Congo français. J'omettais de dire qu'avant ma fuite le blanc avait exigé que je lui remisse les 10 fusils de mon village, en même temps que mille mitakos pour permis de port d'armes. Je n'ai plus revu les fusils et je n'ai pas reçu les permis.

Je suis rentré sur le territoire de l'État Indépendant lorsque j'ai appris que M. De Becker et Makuku étaient partis et remplacés par Tambu-Tambu. Par ce dernier je n'ai été arrêté qu'une seule fois, et cela parce qu'il n'y avait pas assez de chickwangues. C'est la dernière fois que j'ai été enchaîné. La population de mon village a décrû, mais je ne saurais dire exactement en quelle proportion. À ma connaissance …indigènes ont passé sur le territoire du Congo français; beaucoup sont morts de maladie.

 

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